Philippe Scialom - Psychologue Psychothérapie - Psychologie - Psychanalyse - Psychomotricité Enseignement - Cours - Articles - Guidance - Informations - Aides Parents - Enfants - Ados - Etudiants
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Le texte ci-dessous interroge la pratique de la psychothérapie en psychomotricité. Ces réflexions concernent avant tout les psychomotriciens intéressés.

Attention : il est important d'avoir lu auparavant le texte "Réflexions sur le statut de psychothérapeute", ainsi que celui concernant la création de l'Association Française de Thérapie psychomotrice et la définition de la thérapie psychomotrice par Eric Pireyre.

Est-ce qu'un psychomotricien peut être psychothérapeute ?

Je propose d'affiner maintenant nos définitions, afin de situer l'appartenance ou non de la psychomotricité à la famille des psychothérapies telles que nous nous sommes proposés de les définir.

Il est donc temps maintenant de nous demander ce qu'est véritablement une psychothérapie :

Définition de la psychothérapie par Laplanche et Pontalis

Nous avons compris que c'est un traitement psychique à but thérapeutique. Plus précisément, voici ce qu'en disent Laplanche et Pontalis dans le célèbre Vocabulaire de la psychanalyse.

•A)          Au sens large, toute méthode de traitement des désordres psychiques ou corporels utilisant des moyens psychologiques et, d'une manière plus précise, la relation du thérapeute et du malade : l'hypnose, la suggestion, la rééducation psychologique, la persuasion, etc. ; en ce sens, la psychanalyse est une forme de psychothérapie.

•B)           Dans un sens plus étroit, la psychanalyse est souvent opposée aux diverses formes de psychothérapie, ceci pour toute une série de raisons, notamment : la fonction majeure de l'interprétation du conflit inconscient, l'analyse du transfert tendant à la résolution de celui-ci.

Sous le nom de « psychothérapie analytique », on entend une forme de psychothérapie qui s'appuie sur les principes théoriques et techniques de la psychanalyse, sans cependant réaliser les conditions d'une cure psychanalytique rigoureuse.

 

Aujourd'hui, on a la possibilité de classer les psychothérapies selon plusieurs critères et parmi les principaux nous pouvons citer :

- la dominance verbale ou non verbale (celles qui passent par la parole et celles qui comme la relaxation passent par le corps)

- la dominance du facteur relationnel (thérapie humaniste, rogérienne ou psychanalytique)

- la directivité ou la non-directivité (thérapie comportementale)

- la dominance symptomatique ou hollistique (cognitivisme comportementalisme ou psychanalytiques)

Les principaux axes sont donc soit d'origine psychanalytique soit corporel soit encore comportemental.

On peut aussi ajouter que sous des formes et des médiations les plus diverses la psychothérapie s'adresse selon le cas à des enfants, des adolescents ou des adultes. Certaines psychothérapies se font en groupe, d'autres en couple ou en famille.

 

DECRET DE COMPETENCES DE LA PROFESSION DE PSYCHOMOTRICIEN

Comparons ces approches et ces définitions au DECRET DE COMPETENCES DE LA PROFESSION DE PSYCHOMOTRICIEN, extrait du Journal Officiel de la République Française.

Le psychomotricien est un professionnel paramédical, auxiliaire de la médecine. Il est titulaire d'un diplôme d'Etat délivré par le Ministère de la Santé.

Selon ce décret n°88-659 du 6 mai 1988, les personnes titulaires du diplôme d'Etat de Psychomotricien peuvent entre autre, contribuer par des techniques d'approche corporelle, au traitement des déficiences intellectuelles, des troubles caractériels ou de la personnalité, des troubles des régulations émotionnelles et relationnelles et des troubles de la représentation du corps d'origine psychique ou physique.

Enfin, la définition du métier sur laquelle semblent se mettre d'accord les Ecoles françaises de psychomotricité, stipule que le psychomotricien peut réaliser sur prescription médicale des actes de diagnostic psychomoteur, de stimulation, de rééducation, de réadaptation, de réhabilitation et, à visée psychothérapique.

Ces actes agissent sur les fonctions psychomotrices, sensori-motrices et perceptivo-motrices, cognitives et émotionnelles dans leur processus de maturation harmonieux ou perturbé et/ou sur l'altération de leur utilisation. Ils concernent le sujet à tous les âges de la vie.
Les méthodes, outils, ressources utilisées :

Il semble donc que le psychomotricien par la définition de ce cadre, sort de la confusion entre son « statut » - Psychomotricien et, l'une de ses « fonctions » possibles sous certaines conditions - Psychothérapeute en psychomotricité. La distinction est faite clairement entre une formation professionnelle diplômante d'une part et personnelle d'autre part. Reste à voir sous quelles conditions de formation le ministère de la Santé reconnaîtra le statut de psychothérapeutes aux psychomotriciens qui en feront la demande (dans tous les cas le niveau master et un certain nombre d'heures de formation en psychopathologie sont exigés).

 

Que nous dit D.W. Winnicott de la psychothérapie ?

Bien que ceci soit en accord avec les autres définitions de la psychothérapie, comme celle de Laplanche et Pontalis, ma démonstration n'est pourtant pas terminée car il serait inimaginable de ne pas rappeler ce que nous dit le psychanalyste qui semblait connaître les psychomotricien avant l'heure : D. W. Winnicott.

Cette seule citation pourrait suffire à elle seule :

"Là où le jeu n'est pas possible, le travail du thérapeute vise à amener le patient d'un état où il n'est pas capable de jouer à un état où il est capable de le faire" (Jeu et réalité p55).

Winnicott constate que la littérature psychanalytique ne rend pas compte de l'importance du jeu en tant que tel dans le traitement psychanalytique des enfants : si le jeu est utilisé couramment lors des cures, c'est qu'il a valeur de communication.

Ensuite, après avoir accédé à ce "terrain de jeu intermédiaire où l'idée de magie prend sa source" (p67), le bébé qui connaît une continuité d'existence du fait de la fiabilité de sa mère, devient capable d'imaginer celle-ci absente. Fort de cette sécurité interne, il pourra dès lors jouer seul en présence de sa mère, véritable miroir qui le rend présent à lui-même. À ce stade, les aires de jeux respectives de la mère et de l'enfant peuvent se chevaucher : la mère qui adapte d'abord son jeu à son enfant, introduit peu à peu des éléments de son propre jeu dans leurs échanges.

À partir de là, "un jeu en commun s'instaure au sein d'une relation" (p69). Ce jeu partagé, favorable à tous les enrichissements, ouvre sur toutes les autres relations (dans les domaines de la pédagogie ou de la thérapie, par exemple).

Winnicott revient alors à sa préoccupation première qui intéresse les psychomotriciens : comment faire un usage thérapeutique du jeu de l'enfant, en dehors de la psychanalyse ? Le jeu est en effet "une thérapie en soi" (p71) et il serait bon d'avoir une attitude sociale favorable envers celui-ci, nous dit l'auteur. Certes on peut comprendre qu'à l'aspect incontrôlable et irrationnel du jeu (playing), on réponde par des jeux organisés (games). Mais le thérapeute qui dirige un jeu le fait pour donner un sens au jeu que l'enfant est incapable d'investir par lui-même. Il espère ainsi permettre à l'enfant une ré-appropriation de l'espace potentiel à travers une expérience créative intensément réelle : celle du jeu. Dans cet espace, "l'enfant rassemble des objets ou des phénomènes appartenant à la réalité extérieure et les utilise en les mettant au service de ce qu'il a pu prélever de la réalité interne ou personnelle. Sans halluciner l'enfant extériorise un échantillon de rêve potentiel et il vit, avec cet échantillon, dans un assemblage de fragments empruntés à la réalité extérieure" (p73).

Pour Winnicott, "le jeu des enfants contient tout en lui" (p71), et cette expérience créative peut se passer des interprétations du thérapeute. En effet, ce ne sont pas celles-ci qui font effet de vérité, mais "le moment où l'enfant se surprend lui-même" (p72). C'est peut-être là que se différencie une psychothérapie psychanalytique d'une psychothérapie psychomotrice menée par un psychomotricien formé à la psychothérapie. L'interprétation ne pourra cependant être thérapeutique que dans la mesure où patient et thérapeute partagent des aires de jeux qui se superposent. À la façon dont la mère se montrait préoccupée par l'évolution de son bébé, le thérapeute s'attache spécifiquement au processus de croissance de l'enfant et cherche à éliminer tout ce qui se révèle entraver ce développement"  (p71).

 

3.4) Les controverses entre Mélanie Klein et Anna Freud nous donnent une autre illustration de la sagesse de Winnicott.

La violence d'Anna Freud est d'ignorer les contributions de Mélanie Klein et celle-ci méprise en retour Anna Freud qui n'aurait rien compris, ni au complexe d'Œdipe, ni à la technique analytique, ni au transfert de l'enfant. Elle accuse encore Anna Freud de ne pas comprendre l'équivalence entre le jeu de l'enfant et la libre association - et c'est une autre des plus fécondes contributions de Mélanie Klein, même si elle est toujours source d'interrogations. L'ignorance d'Anna Freud l'obligerait à faire de la pédagogie plutôt que de la psychanalyse, accuse Mélanie Klein.

Il n'en demeure pas moins qu'Anna Freud insiste sur une évidence : la présence d'un adulte auprès d'un enfant est déjà, et par elle-même, pédagogique, alors que la compagnie de deux adultes implique d'autres enjeux. Par ailleurs, ses contributions se situent dans un tout autre domaine que celles de Mélanie Klein. Alors que l'une élargit l'élaboration métapsychologique en psychanalyse, l'autre organise la prise en charge institutionnelle d'enfants lourdement traumatisés, qu'ils aient été victimes du désarroi des populations juives viennoises, de l'effroi des bombardements sur Londres ou, plus tard, des terreurs des camps de concentration. Anna Freud, à la suite de son père, pose l'impératif du travail avec les familles de tels enfants.

J'ai moi-même été sollicité pour mener un débat sur ces controverses. Les participants, pris au jeu n'arrivaient évidemment pas à se mettre d'accord car chacun défendait que sa psychothérapie était meilleure que l'autre.

Obligé de conclure ce débat et de l'arbitrer, j'étais bien encombré par tous ces arguments qui se justifiaient bien. J'ai alors été sauvé par mes propres patients. Car je ne me réclame ni comme kleinien ni comme anna-freudien, pourtant certains de mes patients m'ont amenés à être anna-freudien, étant inaccessible à une attitude kleinienne, et pour d'autres enfants cela a été l'inverse. Et l'humilité du thérapeute doit lui permettre de discuter puis de poser l'indication la mieux adaptée à ce patient en particulier. Et pour cela nous avons besoin de notre diversité d'approche.

 

CONCLUSION

Nous avons défini l'acte psychothérapeutique dans le cadre de l'exercice en santé mentale.

Nous avons défini les formations nécessaires et indispensables.

Nous avons repéré des définitions, même officielles, qui permettent d'affirmer que les psychomotriciens peuvent, dans certaines conditions, mener une psychothérapie.

Ceux qui seront plus soucieux de se différencier des autres psychothérapies, comme le font les psychanalystes par exemple, parleront de psychothérapie non verbale, ou mieux, de psychothérapie à médiation corporelle.

Les psychomotriciens ont déjà un statut. Ensuite chacun développe son style propre avec son histoire, sa personnalité et ses formations post-universitaires et personnelles.

Se définir comme psychomotricien, et poser une indication qui selon l'enfant et le contexte sera une indication d'éducation ou de rééducation psychomotrice ou encore de thérapie psychomotrice me paraît très clair et sans confusion.

Reste à compléter si nécessaire sa formation pour accéder officiellement et dans sa pratique au statut de psychothérapeute et ne pas rester dans l'ombre de l'imposture vis-à-vis des patients.

Ph. S.

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